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Même  au niveau des régions les plus reculées du pays, bon gré ou par contrainte, les extraits, mises en garde et slogans de Maurice Sixto se trouvent presque sur toutes les lèvres. Il y a même des stations de radio qui ont des émissions spéciales ou des heures d’antennes essentiellement consacrées à ses textes. Cependant, quelque paradoxal que cela puisse paraître, nombreux sont ceux qui ignorent purement et simplement ce pilier, cette icône, ce « mapou » qui a sû marquer à l’encre forte la littérature orale haïtienne

Qui était Maurice Sixto ?

Maurice Alfredo Sixto de son nom complet a pris naissance le 23 mai 1919 à la cité de l’indépendance. Après ses études classiques aux Gonaïves et à Port-au-Prince chez les Frères de l’institution Saint Louis de Gonzague, il fut tour à tour, Journaliste, Animateur de Radio, Interprète et surtout professeur de littérature. Sa mère s’appelait Mme Maria Bourand et son père Alfredo Sixto, qui fut un Ingénieur.

À en croire Frenand Léger du département de Français de l’Université de Toronto et particulièrement les propos de Madame Gertrude Séjour, qui est la responsable de la fondation Maurice Sixto, après avoir bouclé ses études classiques, Maurice a effectué de brillantes études supérieures à la Faculté de Droit. Peu après, il fut nommé attaché de Presse à l’Ambassade du Libéria, le 28 décembre de l’année 1950, sous la présidence de Paul Eugène Magloire, par le Président lui-même.

Douze (12) ans plus tard, soit en 1962, il se rend au Congo, sous l’obédience de l’UNESCO. Il a passé environ neuf (9) ans au Congo plus précisément à Kinshasa à enseigner le Français, l’Anglais, le Latin ainsi que les Sciences Sociales et où il allait faire la rencontre de celle qui allait devenir sa seconde épouse, en l’occurrence Madame Thérèse Torchon.

Frappé par la cécité, à la suite d’un glaucome et ce en dépit du fait qu’il a subi maintes interventions chirurgicales, c’est pourquoi il était obligé de se rendre aux États-Unis d’Amérique en 1970, où il allait être honoré par le Maire de Philadelphie d’alors et où il allait décrocher le prix du meilleur conférencier en 1984. Malheureusement, il allait partir pour l’au-delà le 23 mai 1919, ce qui nous a privé de la suite de ses audiences.

En ce qui concerne ses différentes œuvres, d’après la responsable de la fondation Maurice Sixto, l’audienceur nous a légué un répertoire qui compte environ 60 audiences, les unes plus intéressantes et connues que les autres, mais à travers lesquelles il s’est assigné pour tâche de rapporter sans feu ni artifice les choses et gens entendus. À l’instar des romanciers de la Génération de la Ronde, Maurice Sixto était détenteur de cette capacité de photographier de manière fidèle le réel haïtien, avec un sens d’objectivité hors-pair, il a sû présenter une radiographie typique de la réalité haïtienne d’hier et d’aujourd’hui. On a comme l’impression qu’il était en avance sur son époque au regard de la réalité actuelle du pays.


À travers son texte « Léa kokoye », il posait déjà le problème du système éducatif haïtien, qui, après avoir formé des jeunes, ne crée pas assez d’opportunités pour eux, ne s’efforce pas pour pouvoir les intégrer graduellement ou du moins, s’en fout pas mal d’eux. Elles sont légions les différentes promotions qui sont formées par l’État haïtien, qui à chaque année, disent adieu à l’école classique, sans redevance aucune, après avoir bénéficié de l’investissement ou la subvention de l’État central… S’il présente d’une part, le chômage, la misère noire qui frappe de plein fouet Léa et sa famille, qui en dépit de toutes ses études et ses diplômes, se voit refusée même une simple rencontre avec le Ministre de l’Éducation Nationale, de l’autre côté, c’est le favoritisme qui sourit à Lilie de la Fouque chaude face à un Ministre insouciant, qui dans le vrai sens du terme devrait être un serviteur de l’État et de la Société, mais qui se contente de préférence de ses livres pornographiques, puisqu’il n’a rien de si spécial à régler au bureau, c’est pourquoi il s’empresse d’embaucher Lilie sur le champ, sans tenir compte de sa qualification, mais par ce qu’il voit déjà en elle, une aventurière, avec qui, il pourra flirter sans l’ombre de doute.

Cette approche Anthropo-sociologique, parmi tant d’autres, qui a été faite par Maurice de la société haïtienne, nous laisse présager sans trop grande difficulté, que dans un pays comme Haïti, à côté de la compétence qu’il vous faut, vous devez avoir également de l’accointance, sinon, tu iras au cimetière sans ta formation, ta connaissance, sans même tes diplômes quelques nombreux et importants soient-ils pour n’avoir pas accepté de te prostituer ou sortir avec un supérieur hiérarchique quelconque. D’où nous assistons à une bipolarité culturelle haïtienne, où toutes les portes sont fermées pour les éléments de la classe prolétarienne alors qu’elles sont grandement ouvertes pour ceux de la soi-disant « bourgeoisie », surtout lorsqu’ils acceptent les conditions mêmes les plus indécentes…

À travers « Ti Sentaniz », tout comme le romancier Justin Lhérisson l’a si bien fait à travers son roman: »Zoune chez sa ninnaine », il met en lumière et dénonce haut et fort le phénomène de la domesticité en Haïti, qui à causé de la surpopulation, du chômage et de la misère atroce, ne fait que boule de neige au sein de notre société.

S’il fallait revenir sur les œuvres les plus importantes de Maurice Sixto, que des mémoires, des ouvrages, des compilations verraient le jour…

Entre la vie et la mort, il y a des gens qui refusent d’accepter que Maurice est mort ou mortel, d’après eux, tant et aussi longtemps qu’on peut auditionner, lire et regarder ses réalisations, il restera toujours immortel…

De toute évidence, ce qui est sûr, ce qui est certain, c’est que s’il était encore physiquement en vie, il aurait exactement un siècle, ce mois-ci, un siècle qui mériterait d’être fêté de manière grandiose, à la dimension de son être bien sûr!

Ce grand nom qui a marqué l’histoire de l’audience dans la littérature haïtienne, restera à jamais gravé en lettres d’or, sur chaque fibre de notre cerveau:  » Maurice Alfredo Sixto« 


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