dISIP
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L’amateurisme caractérisant le fonctionnement du secteur musical haïtien est connu de tous. L’incompétence des managers, l’indiscipline des musiciens, des clubs inappropriés, des promoteurs corrompus […], les difficultés sont de toutes sortes. Rares sont les groupes et artistes solo qui se démarquent du lot avec une structure plus ou moins professionnelle. Pour le reste, on patauge dans une industrie informelle de plus en plus discréditée.  

D’une génération à une autre, la musique haïtienne aura été estampillée par le sceau d’une instabilité chronique, à l’image même du pays, dirait-on. Ce qui a provoqué à travers le temps pas mal de séparations, ayant causé des cicatrices dans le cœur des plus nostalgiques. De l’ancienne à la nouvelle génération, nombreux sont les exemples. Et l’un des plus marquants de cette dernière décennie fut le divorce entre Arly Larivière et Gazzman Couleur. Après plus de dix ans de collaboration à succès, le premier continue à tenir le flambeau avec Nu-Look, pendant que le deuxième est allé former son groupe dISIP. Et depuis, le groupe de Gazzman ne fait que nager sur les vagues de l’instabilité.

Avec ou sans un Directeur Musical de la trempe d’Arly, le talent de Gazzman pour la musique ne fait aucun doute. Lead vocal, bête de scène, compositeur, producteur aussi à ses heures, le natif des Gonaïves a donc les matières nécessaires pour s’offrir une belle carrière musicale à la dimension de son talent, qu’on ne retrouve pas tous les jours sur les trottoirs. Cependant, quand il est question de groupe et de gestions humaines, cela demande d’autres capacités intrinsèques au-delà des aptitudes musicales ou artistiques. Et c’est justement à cette déficience structurelle à laquelle est confrontée dISIP depuis son lancement en 2010.

Au-delà de la longévité et de la qualité, le succès est tout d’abord dans la stabilité, notamment pour un groupe musical qui aspire à la notoriété. Si vous en avez des doutes, allez demander à l’Orchestre Septentrionale, Tropicana d’Haïti, Tabou Combo ou Magnum Band, pour ne mentionner que ces groupes qui, en vertu de leur structure institutionnelle, sont aujourd’hui des références, non seulement pour l’ensemble de leurs œuvres, mais aussi pour ce qu’ils représentent en termes gestions administratives. Malheureusement, c’est tout ce qui manque à dISIP et à beaucoup d’autres groupes musicaux haïtiens. 

Depuis son lancement officiel en 2010, dISIP a rarement connu une période de tranquillité. Au point que plus de dix ans après sa création, on ne peut compter que seuls Gazzman et le manager Patrick Fabre comme deux visages fondateurs à n’avoir jamais abandonné le projet. Des scandales, des défections à répétition, le groupe est comme condamné à l’instabilité. Cependant, malgré ces turbulences administratives les unes plus destructrices que les autres, dISIP a quand même publié trois albums et a honoré des centaines de contrats en Haïti et un peu partout dans la diaspora haïtienne. Mais ça ne suffit.

En effet, depuis quelque temps, les informations faisaient état d’un nouveau malaise au sein de dISIP, dont Gazzman et Ralph Ménélas seraient les protagonistes. Mais, pour la consommation médiatique et pour tenter de minimiser cet énième conflit, les deux intéressés ont eu le culot d’apporter un démenti formel à ces informations quoique avérées. Malheureusement pour eux, le temps a fini par avoir raison de leurs manœuvres diplomatiques. Car aujourd’hui, il serait désormais officiel que le guitaristes Ralph Ménélas, qui a rejoint dISIP en mai 2020 à titre de Directeur Musical aurait pris la porte de sortie. Alors, selon des informations reportées par des journalistes généralement bien informés dans le milieu, Patrick Fabre, manager du groupe et ami de longue date de Gazzman, serait lui aussi prêt à jeter l’éponge. Un scenario qui risque d’être compliqué pour l’équipe de dISIP, qui doit absolument revoir son cahier en termes de gestions administratives, pour ne pas disparaitre prématurément des radars.

Osman Jérôme 


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