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Débuts difficiles, éclosion éclatante, acceptation validée, notoriété établie […], le Rap Haïtien a traversé le temps. Et aujourd’hui dans le secteur musical, il s’impose comme une tendance très prisée, notamment par les plus jeunes. Beaucoup de groupes, artistes et MCs ont déjà défilé sur la scène du Hip-Hop en Haïti. Si certaines têtes n’y sont plus, d’autres voix continuent à porter la flamme du Rap Haïtien, allumée au début des années 80 par le feu Master Dji. Entre son talent et sa ligne artistique, Blaze One se distingue comme un digne représentant. Mais pour quelle place dans la hiérarchie ? 

Voilà quelques années déjà depuis le nom de Blaze One résonne sur le marché musical haïtien, dans les haut-parleurs de la tendance rap plus précisément. Dès le début, l’artiste a laissé entendre qu’il allait faire quelque chose de différent. Entre le flow et surtout les lyrics, il se différencie de ce qui se fait d’ordinaire dans le « rap game ». Après un passage au sein de la clique NGS (Nouvelle Génération Squad), c’est à travers « Federal », un morceau sorti en 2010 qui fait la triste radiographie des mauvaises conditions de détention dans le plus grand centre carcéral du pays qu’est le Pénitencier National, que Blaze One allait véritablement se faire populaire dans le paysage musical haïtien. Et depuis, le rappeur de bientôt 38 ans collectionne des hits aux refrains populaires. 

En effet, ceux qui adorent les chansons qui dénoncent, ont sans doute une admiration pour l’ancien protégé de Haitian Fresh, qui a bâti une grande partie de sa carrière sur des morceaux à caractère plutôt revendicatif. Ce qui du coup lui a valu un statut un peu différent de la majorité des rappeurs, qui se verse le plus souvent dans la futilité et l’egotrip. Car depuis le début de sa carrière solo, la voix de « Fon Makaya » a opté pour un rap utile, en confectionnant des textes puisés dans la réalité sociopolitique haïtienne, jalonnée de crises et de turbulences.

Ainsi, dans la discographie Blaze One qui compte entre autres trois albums, on y retrouve des morceaux qui appellent à la réflexion et suscitent souvent des débats. De « Federal », en passant par « Gan Dosye », jusqu’à « Lèt Konsyans » paru en 2020, le natif de Port-au-Prince fait les choses à sa manière. Ce qui force évidemment l’admiration de ses pairs et d’une grande partie du public, qui s’identifie dans ses chansons qui parlent de la réalité quotidienne du pays, qui est surtout faite de misère, d’insécurité et d’inégalités sociales. 

Dans un secteur où la futilité a souvent eu raison de la qualité, Élysée Sénora dit Blaze One appartient plutôt à cette petite catégorie de rappeurs qui fait un art utile, mais dont l’œuvre n’est pas toujours reconnue à sa juste valeur. Blaze One a certes déjà montré ses qualités de rappeur, notamment avec ses textes souvent écrits à toucher les consciences et à sensibiliser. Pourtant, en termes de streaming et d’affiches, les chiffres sont rarement à la hauteur du talent de l’intéressé. D’ailleurs, le concerné lui-même s’en plaint parfois sur les réseaux sociaux du manque de support du grand public et des promoteurs en particulier à son sujet. 

Évidemment, il y a diverses raisons explicatives à constat. Deux d’entre elles sont tout d’abord la ligne artistique du rappeur. Car contrairement à la grande majorité des autres qui priorise l’egotrip, Blaze One a plutôt orienté sa musique vers la conscientisation. Ensuite, la carrière de Blaze One souffre d’un déficit d’encadrement au niveau du management. Car pour s’imposer dans l’industrie musicale, encore plus dans le rap, le talent ne suffit pas. 

Cependant, peu importe les considérations, en vertu de ses œuvres qui sont d’un grand apport ces dernières années au Rap Haïtien, non sans beaucoup de respect, Blaze One se taille désormais une place intéressante dans le panthéon du rap en Haïti. Trois albums, des singles, des featurings, des performances, des tubes qui cartonnent, souvent adulé pour ses textes, Blaze One est une référence dans le milieu du rap, même si la reconnaissance et les chiffres ne sont pas forcément satisfaisants.

Osman Jérôme 


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