© Crédit photo : HIT MUSICAL/Twitter
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En Ayiti, toutes les institutions sont faibles, la faute à la corruption qui est tributaire de l’impunité. Aucune structure établie n’échappe à ce fléau, même ce truc boiteux fonctionnant suivant des conditionalités informelles, qu’on s’amuse à appeler HMI (Haitian Music Industry) ne fait pas exception. Ça souffre comme tout le reste, de cette pathologie incurable : la corruption. Pierre Bourdieu aurait conclu qu’il s’agit là d’un cas de reproduction sociale, bref !  De facto, il y a longtemps que les choses se font de manière très irrégulière et louche dans la pseudo industrie, et ceci à tous les échelons. Des artistes s’en plaignent depuis des lustres notamment Zenglen dans « BS production », qui s’en est pris aux promoteurs malhonnêtes, BIC dans « A suiv » qui clashe animateurs et opérateurs  de radio jugés avides et plus récemment PIC qui a rappé, avec un accent de vécu amer, « HMI sa pa dou ». Mais, à l’évidence le mal est beaucoup trop bien encré pour être ébranlé par une ferveur lyrique. A contrario, il constitue un cercle vicieux et tôt ou tard tout le monde finit par s’y retrouver.

On peut supposer à s’y méprendre qu’il y a  près d’une dizaine d’années depuis que les tubes dans cette industrie bancale ne se mesurent plus à la qualité musicale qui découle d’un travail artistique, mais à la force  économique derrière le groupe ou l’artiste solo. Le public, à force d’écouter à longueur de journée à radio des chansons de bonne ou de mauvaise qualité, peut se surprendre à répéter par cœur les paroles, dans certains cas, absolument débiles. Pour la plupart ce sont des chansons qui ne devraient même pas être diffusées,  en moins de deux se transforment en méga tube et deviennent très populaires.

La stratégie à la mode pour obtenir un tube, pour la quasi-totalité des groupes ou artistes solo c’est de chercher à soudoyer les opérateurs et animateurs prédisposés à cette pratique, il faut quand même le préciser car tous n’y participent pas. Le comble c’est que des stars de génie confirmés se mêlent aux starlettes médiocres et désespérées  dans cette pratique de corruption. Tu veux un hit ?  Qui que tu sois tu dois te résoudre à faire le choix onéreux et passer à la caisse. Mieux le groupe paie plus sa chanson sera tournée et plus favorables seront les commentaires. Les acteurs impliqués se voilent la face et tentent de donner une allure de normalité à cette activité en parlant de promotion, mais nul ne doit en être dupe car en dehors des circuits légaux qui n’existent pas en Ayiti cela relève ni plus ni moins de la corruption. C’est ce genre de transaction qui expliquent que certaines fois sur certaines stations de radio on peut entendre la même chanson 4 fois en l’espace d’une heure d’antenne. Cela explique aussi pourquoi des animateurs  violent délibérément les règles de la profession en faisant d’interminables commentaires sur des chansons pendant qu’ils la passent et repassent au fur et à mesure que leurs verbiages se déploient. Conséquemment, cette pratique prête le flanc à une situation de deux poids deux mesures ou les jeunes artistes avec le plus pur des talents sont automatiquement boycottés, n’ayant pas de pouvoir pécuniaire.

Cette activité de soudoiement va plus loin encore. Selon un témoignage d’un jeune animateur présentant une émission de « Compas Direct », certains responsables de groupes ou managers d’artistes solo acceptent d’offrir plus d’argent à condition que l’animateur  censure toute formation musicale rivale à l’émission. Ainsi la balance de la polémique éventuellement en cours penchera en faveur du groupe qui nourrit le maître de l’émission choisie. Même à ce niveau le pays montre ses caractéristiques singulières. Dans quasiment tous les pays ce sont les artistes qui touchent de l’argent (royalties) à chaque fois que leurs chansons sont diffusées à la radio, chez nous c’est le monde à l’envers.

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Rythmes509 


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